Si vous avez déjà travaillé avec des illustrateurs ou graphistes, vous avez sûrement vu apparaître une ligne (ou plusieurs) notée « Cession de droits »… et si vous vous demandez ce que c’est, cet article est pour vous !
Qu’est-ce que les droits d’auteur ?
‘En France, le droit d’auteur protège les œuvres littéraires, notamment les créations graphiques, sonores ou audiovisuelles et plastiques, les créations musicales, mais aussi les logiciels, les créations de l’art appliqué, les créations de mode, etc. Les artistes-interprètes, les producteurs de vidéogrammes et de phonogrammes, et les entreprises de communication audiovisuelle ont également des droits voisins du droit d’auteur.’ [source : INPI]
Ces droits sont acquis du fait même de la création de l’œuvre, sans que l’auteur n’ait à remplir de quelconques formalités.
Ces droits sont regroupés en deux catégories :
- les droits ‘moraux’, qui protègent l’auteur de l’œuvre. Ils sont inaliénables, incessibles et perpétuels. Ils regroupent :
- la paternité de l’œuvre (L121-1),
- le respect/intégrité (L121-1),
- la divulgation (L121-2),
- le repentir/retrait (L121-4).
Dans les faits, cela veut dire que personne d’autre ne peut se dire auteur de cette œuvre, que cette œuvre ne peut être transformée ni divulguée sans l’accord explicite de l’auteur, que celui-ci peut s’opposer à son utilisation (même s’il avait préalablement donné son accord) s’il estime que l’œuvre est ainsi dénaturée, voire même, l’auteur peut effacer toute trace de son œuvre (ce qui est appelé ‘repentir/retrait’).
- les droits ‘patrimoniaux’, qui permettent à l’auteur d’interdire ou d’autoriser l’utilisation de son œuvre et de percevoir, dans ce cas, une rémunération en contrepartie. Ce sont d’eux dont il est question dans la fameuse ‘Cession de droits’. Ils courent sur 70 ans après la mort de l’auteur (ses ayants-droits les percevant alors). Il s’agit des :
- droit de reproduction : autorisation ou interdiction de la communication indirecte de l’œuvre au public par tous procédés et sur tous supports (L122-3 CPI) (édition, goodies, reproduction imprimée…)
- droit de présentation : autorisation ou interdiction de la communication de l’œuvre au public de manière directe ou indirecte (exposition, présentation devant un public, télédiffusion, Internet, radio…) (L122-2 CPI)
- droit de suite : perception d’un % sur le prix de revente de l’œuvre par les commerces d’art, les SVV, etc. (L122-8 CPI)
Il est également de plus en plus commun d’ajouter la mention d’un droit d’adaptation en édition, pour les éventuelles traductions, adaptation en ebook, ou en film/documentaire… Il est souvent noté que c’est une éventualité qui nécessiterait un nouvel accord.
La cession de droit
Selon le Code de la Propriété Intellectuelle, ‘la cession par l’auteur de ses droits sur son œuvre peut être totale ou partielle. Elle doit comporter au profit de l’auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation.’ (Article L131-4)
Il s’agit donc de la cession (ou plutôt ‘location’) de droits patrimoniaux.
Pour chacun des droits cédés, il est mentionné :
- la zone géographique : régionale, nationale, européenne, mondiale OU l’ampleur de la diffusion, notamment dans le cas d’un site web
- la durée et/ou le nombre d’exemplaires. Selon la loi, cela ne peut pas être illimité (le contrat serait considéré comme caduc), et, dans les faits, il est rare que le client ait vraiment besoin d’une utilisation illimitée.
- l’exclusivité ou non, dans la limite de la zone géographique et la durée mentionnés. Si vous n’avez pas l’exclusivité, cela veut dire que quelqu’un d’autre peut utiliser la même illustration que vous au même moment et même endroit. Personnellement, je demande toujours l’avis de ceux détenant déjà des droits sur une œuvre avant de les céder à quelqu’un d’autre… Et pour être franche, le cas ne s’est encore jamais présenté à moi.
Lorsque l’une des limites de l’exploitation des droits est atteinte, le client peut demander à reconduire la cession de certains droits. De cela, découle un nouveau contrat.
Si un droit patrimonial n’est pas mentionné, c’est qu’il n’est pas cédé. Si vous souhaitez en bénéficier, cela doit faire l’objet d’un nouveau contrat ou d’un avenant.
Selon l’ampleur de chaque élément, le tarif sera plus ou moins élevé.
Il n’y a pas de barème précis pour les calculer, mais plusieurs outils existent, que la plupart des illustrateurs et graphistes utilisent. Pour ma part, je rajoute un pourcentage du prix de l’œuvre selon l’exclusivité ou non, un autre selon l’ampleur de la diffusion, et un autre selon la durée ou le nombre d’exemplaires.
Cas particulier de l’édition :
Si les illustrations font partie intégrante d’un ouvrage ou d’un produit édité, les maisons d’édition versent des droits d’auteurs sous forme de pourcentage sur les ventes. Il s’agit souvent d’un contrat à part.
Pour les particuliers :
Les particuliers ne tirant aucun bénéfice marchand ni de publicité de par l’utilisation des œuvres, ils n’ont généralement besoin que d’un droit de diffusion ou reproduction non exclusif, pour une utilisation déterminée et limitée, dont le montant est faible (dans le cas d’une création déjà existante) ou offert (dans le cas d’une création sur commande).
Conclusion
Donc, en résumé :
- les droits d’auteurs font partie intégrante de la cession d’une œuvre, et correspond à l’utilisation qui en sera faite. Si d’autres utilisations émergent par la suite, une nouvelle cession de droit doit être effectuée.
- la cession de droit mentionne toujours une durée limitée, l’ampleur de la diffusion permise, ainsi que l’éventuelle exclusivité des droits durant ce temps et pour cette ampleur.
- le montant de la cession des droits est donc très lié à l’utilisation et à la notoriété du client. Cela reviendra plus cher pour un grand compte que pour une PMI que pour un particulier.
- le nom de l’auteur doit toujours apparaître sur son œuvre (droit moral de paternité).
- l’auteur peut, à tout moment, demander à retirer son œuvre du marché (droit moral de retrait/repentir). Oui, ça fait peur, mais dans les faits c’est extrêmement rare, et l’auteur devrait rembourser les contrats qu’il dénoncerait ainsi… sauf si c’est le client qui a dénaturé l’œuvre ou l’exploite d’une façon non prévu dans le contrat…
- personne ne peut utiliser ou divulguer une œuvre dans l’accord de l’auteur.
J’espère avoir éclairé votre lanterne !
Image de Une : by Ghinzo – Pixabay